Pesticides

Pesticides dans l’eau du robinet

En diffusant dans l’environnement après leur application, les substances actives des pesticides peuvent se dégrader en une ou plusieurs autres molécules appelées "métabolites". Certaines de ces substances se retrouvent dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Afin de garantir la santé du consommateur, l’Anses fournit à la Direction générale de la santé les repères scientifiques utiles à la surveillance de la qualité de l’eau du robinet. Pour cela, l’Agence met notamment en œuvre sa méthode pour identifier, parmi les métabolites de pesticides, ceux dont la présence dans les EDCH doit faire l’objet d’une attention prioritaire.

Pourquoi retrouve-t-on des pesticides dans l’eau du robinet ?

Après leur application, une fraction des produits phytopharmaceutiques diffuse dans l’environnement. Leurs substances actives peuvent se dégrader en métabolites en fonction de leurs caractéristiques et des conditions physico-chimiques qu’elles rencontrent dans les sols.

Les résidus de substances phytopharmaceutiques et les métabolites générés peuvent ainsi se retrouver dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines, les sédiments, les plantes ou encore l’atmosphère. Une fois présents dans les ressources en eau, ils sont susceptibles d’être transférés dans l’eau distribuée au consommateur en l’absence d’une filière de traitement adaptée.

Quelle est la réglementation concernant les pesticides et métabolites de pesticides dans l’eau du robinet ?

Tout d’abord, le devenir des métabolites dans l’environnement et leur dégradation sont pris en compte lors de l’évaluation et autorisation des substances actives et, par ailleurs, les produits phytopharmaceutiques sont régulièrement réévalués en prenant en compte les nouvelles connaissances et méthodologies.

D’autre part, dans le cadre de la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, il est prévu une surveillance étroite de la qualité de l’eau de consommation. Cette surveillance inclut les substances actives des pesticides et leurs métabolites dans l’eau potable. La directive européenne 1998/83 CE, abrogée par la directive 2020/2184/CE, est déclinée en droit national.

Le saviez-vous ?

Le terme « pesticide » utilisé dans la réglementation européenne encadrant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine recouvre une large variété de produits, pour des usages en protection des plantes (produits phytopharmaceutiques) mais aussi à des fins d’élimination de nuisibles (certains produits biocides) ou de parasites (des médicaments antiparasitaires vétérinaires et humains). Ces produits sont utilisés notamment en agriculture, en élevage, dans les industries, pour l’entretien des voiries, de certains espaces verts et des jardins privatifs.

Qu’est-ce que la limite de qualité de l’eau du robinet pour les pesticides ?

Cette limite réglementaire est un indicateur de qualité : lorsque que ce seuil est dépassé, cela veut dire que la qualité de l’eau distribuée au robinet se dégrade. En revanche, la limite de qualité de l’eau pour les pesticides ne constitue en aucun cas un seuil de risque pour la santé des consommateurs car elle n’est pas élaborée sur la base de la toxicité des substances.

Pour les substances actives des pesticides et leurs métabolites pertinents, la limite de qualité est fixée à 0,1 µg/L par substance individuelle, à l’exception de l’aldrine, de la dieldrine, de l’heptachlore et de l’heptachlorépoxyde, molécules plus toxiques actuellement  interdites pour lesquelles la limite de qualité est fixée à 0,03 µg/L.

De plus, pour tenir compte de leur présence simultanée, la somme des concentrations de tous les pesticides et des métabolites pertinents (voir définition dans le paraphe dédié) présents dans l’eau est fixée à 0,5 µg/L.

Que se passe-t-il lorsque la limite de qualité réglementaire est dépassée ?

Dans le cadre du contrôle sanitaire mis en œuvre par les Agences régionales de santé (ARS), des résidus de pesticides ou des métabolites sont parfois détectés au-delà des limites de qualité. En situation de dépassement, la réglementation prévoit des actions de gestion à la demande des autorités sanitaires locales pour rétablir la conformité de l’eau à la limite de qualité dans des délais impartis par la réglementation. Différentes actions peuvent être engagées selon le contexte : protection accrue de la ressource, interconnexions entre différentes ressources d’eaux brutes, dilution, traitement renforcé de l’eau distribuée.

Des causes de dépassement liées aux usages des produits phytopharmaceutiques peuvent aussi être identifiées et amener à des actions spécifiques.

Pour aller plus loin

La surveillance du respect des limites de qualité relève de la responsabilité des entités chargées de la production et de la distribution de l’eau du robinet. La directive européenne de 2020 renforce d’ailleurs cette responsabilité en prescrivant que la production et la surveillance soient faites à la lumière d’un plan d’analyse des risques. Les ARS, qui mettent en œuvre le contrôle sanitaire de la qualité des EDCH, veillent au bon exercice de cette responsabilité et au respect des limites de qualité.

Au niveau national, la DGS rend compte annuellement du résultat de ces contrôles par des bilans de qualité de l’eau concernant les « pesticides et métabolites ». La DGS établit également un schéma de gestion des non-conformités de l’eau potable en fonction des limites de qualité et des valeurs sanitaires prescrites par la réglementation.

Que sont les valeurs sanitaires maximales ou VMAX ?

Quand la limite de qualité de l’eau est dépassée, et quand bien même cette limite n’est pas un indicateur de risque sanitaire, une priorité est de prévenir tout risque pour le consommateur. Pour ce faire, l’Anses établit à la demande de la DGS des valeurs sanitaires maximales dérogatoires pour garantir la santé du consommateur même en situation de dépassement des limites de qualité.

Ces VMAX jouent le rôle de repère temporaire, le temps que des solutions soient mises en œuvre pour remédier au dépassement de la limite de qualité. La durée de cette situation transitoire est fixée par la réglementation. Ces valeurs correspondent à des concentrations ne présentant pas de risque pour la santé du consommateur. Elles sont applicables uniquement à des substances actives ou des métabolites pertinents.

Comment sont déterminées ces valeurs sanitaires maximales ?

Les valeurs sanitaires maximale sont déterminées à partir des valeurs toxicologiques de référence (VTR) s’appliquant aux substances actives ou métabolites, en considérant que l’exposition d’une personne par l’eau qu’elle consomme ne doit pas dépasser 10 % de la VTR.

Pour assurer la plus grande sécurité possible, la VMAX est construite pour protéger les forts consommateurs d’eau du robinet et tient compte de la consommation d’eau tout au long de la vie.

Ces valeurs sanitaires maximales sont susceptibles d’être actualisées en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, en particulier quand des VTR sont actualisées, ou encore quand les méthodes de calculs sont revues. La méthode d’élaboration des VMAX, mise en place à l’Agence en 2007, a ainsi été réactualisée dans un avis de 2019 (PDF) en utilisant des données nationales récentes comme l’étude INCA 3.

Depuis 2007, ce sont un peu moins de 200 molécules qui ont fait l’objet d’une détermination de VMAX, dont environ 20 ont fait l’objet d’une réévaluation. A ce jour, les VMAX  déterminées sont toutes supérieures à la limite de qualité de 0,1 µg/L.

Consulter le tableau des valeurs maximales (Excel) ou VMAX dans les eaux destinées à la consommation humaine (date de mise à jour : 14 mars 2023).

Il peut arriver que l’Anses ne soit pas en mesure de fournir de VMAX. En ce cas, le tableau présenté ci-dessus indique « absence de VMAX ».

L’impossibilité pour l’Anses d’établir une VMAX résulte de l’absence de données suffisantes pour définir une limite de sécurité sanitaire spécifique à la substance. Cela ne signifie pas nécessairement que la substance présente une toxicité élevée. Si des données complémentaires sont élaborées ou mise à disposition, l’Anses peut être amenée à réaliser une nouvelle expertise.

Pourquoi relève-t-on davantage de situations de dépassement que par le passé ?

Au cours de la dernière décennie, le contrôle sanitaire de la qualité des EDCH a évolué en termes de performance des méthodes d’analyse. Par ailleurs, de plus en plus de substances actives et métabolites sont recherchés. Enfin, les usages des produits phytopharmaceutiques évoluent également dans le temps. Cette évolution est due d’une part aux pratiques et aux besoins de protection des plantes, et d’autre part à l’évolution du nombre et de la diversité des substances autorisées. Celle-ci peut en effet conduire pour certains usages à une restriction des choix des produits ou à un accroissement des volumes d’utilisation de certaines substances actives.

Par la conjugaison de ces différents facteurs, les contrôles révèlent davantage de situations de dépassement des limites de qualité réglementaires que par le passé, nécessitant des mesures de gestion pour rétablir la qualité de l’eau distribuée.

Qu’est-ce qu’un métabolite pertinent pour les EDCH et qui l’évalue ?

Selon la directive européenne 2020/2184, « un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les EDCH s’il y a lieu de considérer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs ».

Lorsqu’un métabolite est considéré comme pertinent pour les EDCH, il doit faire l’objet de la même vigilance et des mêmes mesures réglementaires qu’une substance active retrouvée dans l’eau du robinet.

Les critères et les modalités d’évaluation pour établir la pertinence des métabolites de pesticides dans les EDCH n’étant pas définis au niveau européen, il revient à chaque pays de les définir. En France, c’est l’Anses qui évalue la pertinence ou non d’un métabolite pour les EDCH.

À la demande de la DGS, l’Anses a proposé en janvier 2019 une méthode pour identifier, parmi les métabolites de pesticides, ceux jugés pertinents et devant faire l’objet d’une attention prioritaire au regard des enjeux sanitaires pour les consommateurs.

La méthodologie retenue par l’Anses ne s’applique qu’à l’eau potable : elle est centrée sur la protection de la santé humaine au regard des risques associés à l’ingestion de métabolites dans l’eau du robinet. 

Par précaution, en application de cette méthode, l’Anses classe un métabolite comme pertinent dans l’eau du robinet dans deux cas de figure :

  • quand cette pertinence peut être établie au regard des connaissances scientifiques disponibles
  • quand des données scientifiques essentielles manquent au regard des critères retenus par l'Anses

Y a-t-il une différence entre l’évaluation des métabolites dans les EDCH et dans les eaux souterraines ?

Les eaux souterraines peuvent servir à la production des eaux destinées à la consommation humaine. L’évaluation des métabolites présents dans les eaux souterraines et ceux dans les eaux destinées à la consommation humaine ne visent pas les mêmes objectifs et ne suivent donc pas la même méthodologie.

Concernant les eaux souterraines, l’évaluation des métabolites est réalisée en amont des autorisations des produits phytopharmaceutiques et de la substance active. Cette évaluation vise à vérifier que la qualité des ressources en eau est préservée en cas d’utilisation de ces produits. Elle est réalisée conformément à la réglementation européenne (Règlement (CE) N° 1107/2009), laquelle prévoit les seuils à ne pas dépasser.

Dans les eaux de consommation, l’évaluation vise à répondre à des besoins de gestion lorsque les limites de qualité prévues dans la réglementation française sont dépassées. Les mesures de gestion sont prises pour garantir la santé des consommateurs et sont proportionnées aux risques associés aux substances. Cela peut notamment se traduire par des restrictions d’usage.

Les métabolites non pertinents dans les EDCH font-ils tout de même l’objet de contrôles et d’action de gestion ?

La directive européenne 2020/2184 précise que les « États membres définissent une valeur indicative aux fins de la gestion de la présence de métabolites non pertinents de pesticides dans les EDCH ».

Dans son avis du 30 janvier 2019, l’Anses a ainsi proposé une valeur de 0,9 µg/L dans les EDCH comme seuil d’action pour les métabolites classés comme non pertinents.

En l’état actuel des connaissances, cette valeur vise à ce qu’une exposition à ces substances tout au long de la vie ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs. Elle tient également compte de l’hypothèse d’éventuels effets qui n’ont pas pu être évalués par manque de données, notamment des effets toxiques sur la reproduction et des effets cancérogènes.

Comme tous les avis de l’Anses, les avis résultant des saisines de la DGS sur les métabolites donnent les repères scientifiques aux décideurs en charge de statuer sur les mesures de gestion.

Comment l’Anses détermine-elle la pertinence d’un métabolite pour les EDCH ?

Dans la méthode établie en 2019, l’évaluation de l’Anses s’appuie notamment sur des critères de génotoxicité, de toxicité pour la reproduction, de cancérogénèse ou de perturbation endocrinienne. Ainsi, un métabolite de pesticide est considéré pertinent s’il répond au moins à un des critères suivants, examinés dans cet ordre :

  • Il présente une activité pesticide ou l’absence de cette activité n’a pas été démontrée ;
  • Il présente un potentiel génotoxique ou l’absence de ce potentiel n’a pas été démontrée ;
  • Il présente un effet avéré de toxicité sur la reproduction ou de cancérogenèse, ou la substance active qui lui est associée est classée catégorie 1A ou 1B par l’union européenne au titre du règlement dit CLP pour la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges.
  • Il présente un potentiel avéré de perturbation endocrinienne ou la substance active qui lui est associée est identifiée comme présentant un tel potentiel ;
  • Il peut être transformé en un produit dangereux pour la santé humaine lors des étapes de traitement des EDCH.

Le statut d’un métabolite est-il définitif ? Pourquoi peut-il évoluer ?

Le classement d’un métabolite est susceptible d’évoluer grâce à l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques relatives aux critères à partir desquels ce classement est établi : réévaluation de substances actives, nouvelles données disponibles, etc. Un métabolite peut donc passer d’un classement de pertinent à non pertinent, et inversement.

Quels sont à date les métabolites classés pertinents en France ?

Début 2022, l’Agence a classé 8 métabolites pertinents sur les 20 métabolites évalués. Ce classement est susceptible d’évoluer lors de l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques : réévaluation de substances actives, nouvelles données disponibles, etc. De la même façon, l’évolution des connaissances et/ou la révision des méthodes d’évaluation est susceptible de conduire à réviser la méthode proposée pour évaluer les métabolites pertinents.

Consulter le tableau relatif aux métabolites (Excel) pertinents pour les EDCH (date de mise à jour : 29 janvier 2024).

Avertissement au lecteur : Seuls les avis relatifs au classement de la pertinence pour les EDCH dont les liens sont référencés font foi.