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Une abeille
03/06/2024
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5 min

Transmission de pathogènes entre pollinisateurs

Une étude réalisée dans huit pays européens le confirme : des agents pathogènes peuvent être transmis d’une espèce d’insectes pollinisateurs à une autre. La santé des pollinisateurs sauvages peut donc être impactée lorsqu’une colonie contaminée d’abeilles à miel est implantée à proximité. Contrairement à des études précédentes, les résultats ne mettent pas en évidence un effet significatif du type de culture présent sur les zones de butinage.

L’étude a été menée dans le cadre du projet européen Poshbee sur la santé des abeilles, qui a réuni de 2018 à 2023 des partenaires de 14 pays. Des insectes pollinisateurs ont été implantés sur 128 sites répartis dans huit pays européens à proximité de deux types de culture, le colza et les pommiers. Ces pays, l’Estonie, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Suède et la Suisse, ont été choisis pour représenter des zones géographiques aux climats différents. Objectif : étudier les facteurs influençant la contamination des insectes pollinisateurs par des pathogènes. 

Onze pathogènes étudiés

L’étude a porté sur trois espèces de pollinisateurs: l’abeille à miel, dite mellifère, le bourdon terrestre et l’osmie rousse, une abeille sauvage solitaire. Leur contamination par des agents infectieux et parasitaires a été évaluée avant et après l’implantation des colonies et des nids pendant 11 à 59 jours à proximité des cultures. Les pathogènes étudiés étaient six virus, deux bactéries et trois champignons parasites. Dix de ces pathogènes sont fréquents chez l’abeille mellifère. Le onzième, un champignon, infecte préférentiellement les bourdons. « Les insectes étaient déjà porteurs de certains pathogènes avant d’être lâchés sur le terrain, explique Eric Dubois, chargé de projet au sein de l’unité pathologie de l’abeille du Laboratoire de Sophia Antipolis de l’Anses. Même s’ils viennent d’élevages, il est impossible d’empêcher qu’ils soient contaminés. En revanche, nous avons contrôlé qu’aucun ne présentait de symptôme de maladie. » Les insectes ont été lâchés à proximité de cultures de colza ou de pommiers au moment de la floraison.

Plus de pathogènes chez les abeilles à miel que chez les deux autres pollinisateurs

Des différences entre pollinisateurs ont été identifiées : les abeilles mellifères sont porteuses de plus d’espèces de pathogènes et en quantité plus élevée que les bourdons et les osmies. Trois virus sont plus fréquemment retrouvés : le virus de l'aile déformée, le virus de la cellule de la reine noire et celui du couvain sacciforme. Plusieurs indices montrent un échange de pathogènes entre espèces pollinisatrices. Le plus notable est le fait que la quantité des principaux virus trouvés chez les bourdons et les osmies est proportionnelle à celle trouvée chez les abeilles placées sur le même site. « Ces insectes partagent les mêmes aires de butinage. Ils déposent des pathogènes sur les fleurs et peuvent ainsi se transmettre des pathogènes entre espèces, explique le scientifique. La charge virale plus faible de virus chez les bourdons et les osmies peut s’expliquer par le fait que les virus étudiés sont surtout connus pour être des virus des abeilles. Il est possible qu’ils soient moins adaptés pour infecter d’autres espèces ou que les pollinisateurs sauvages y soient plus résistants. »

Un risque pour les pollinisateurs sauvages vulnérables

Malgré leur plus grande résistance, les pollinisateurs sauvages ne seraient pas totalement insensibles aux pathogènes de l’abeille : par exemple, de précédentes études ont décrit chez le bourdon des symptômes du virus des ailes déformées. « Il faut donc être vigilants quand on introduit une colonie d’abeilles dans un espace protégé pour éviter de transmettre des pathogènes aux espèces de pollinisateurs menacées. » L’étude menée dans le cadre du projet Poshbee a montré que les pathogènes les plus fréquents, qui ne sont pas forcément les plus virulents, constituaient le meilleur indicateur du risque d’exposition des pollinisateurs aux pathogènes.

Enfin, contrairement à des études précédentes, les résultats ne montrent pas d’effet des conditions propres au site d’implantation : il n’a pas pu être démontré de lien significatif entre les cultures à proximité, l’usage de produits phytopharmaceutiques, le climat ou la durée d’exposition sur le terrain d’une part, et la diversité ou la quantité de pathogènes retrouvés chez les insectes d’autre part. Ceci peut être dû au temps relativement court d’exposition sur le terrain. Des différences ont été observées entre pays, sans qu’il y ait nécessairement un lien avec leur zone biogéographique, mais il est nécessaire d’analyser les données plus en détail pour en connaître la cause.