Coraux dans les Outre-mer : l’impact de substances chimiques confirmé
Les récifs coralliens font partie des écosystèmes touchés par les effets du dérèglement climatique. Mais que sait-on de l’impact des substances chimiques sur ces coraux ? L’Agence s’est penchée, avec l’appui de l’Office français de la biodiversité, sur les risques de ces substances pour leur santé. Sur la centaine de substances identifiées comme potentiellement toxiques pour les coraux, l’Agence a pu mener une évaluation des risques pour une cinquantaine d’entre elles, en s’appuyant principalement sur les données disponibles en Guadeloupe, Martinique, à la Réunion et à Mayotte. Il s’agit de filtres UV, d’hydrocarbures, de pesticides et de métaux. L’expertise montre que la moitié des substances évaluées peut présenter des risques pour les récifs coralliens et contribuer à leur dégradation. L’Agence alerte sur le fait que, faute de données disponibles, ce nombre est très probablement sous-estimé.
Des écosystèmes déjà menacés par les effets du dérèglement climatique
Les récifs coralliens abritent près de 100 000 espèces : mollusques, crustacés, éponges, poissons, raies, tortues, requins, etc. Ces écosystèmes, parmi les plus riches de la planète, sont hélas gravement menacés : au niveau mondial, 20% des récifs coralliens ont été irrémédiablement détruits au cours des dernières décennies et seul un tiers des coraux restant serait dans un état satisfaisant.
Au premier plan des menaces identifiées figurent les conséquences du dérèglement climatique comme la hausse de la température des océans et leur acidification ou encore la multiplication des cyclones. A cela s’ajoute les pollutions liées aux activités humaines conduisant à la présence de nombreuses substances chimiques dans les océans.
La France possède des récifs coralliens dans les trois océans tropicaux. Elle est ainsi particulièrement concernée par la protection de ces écosystèmes pour ses territoires ultra-marins.
Un nombre de substances toxiques probablement sous-estimé
La revue de la littérature scientifique réalisée pour cette expertise par l’Office français pour la biodiversité (OFB) a permis d’identifier une centaine de substances chimiques comme potentiellement toxiques pour les coraux. Ces substances ont été regroupées par familles :
- les hydrocarbures,
- les métaux,
- les pesticides,
- les filtres UV,
- les microplastiques,
- les produits pharmaceutiques,
- une catégorie « autres substances » regroupant des substances de type détergents, conservateurs, nanomatériaux, etc.
L’Anses a pu conduire, principalement grâce aux données disponibles pour la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et Mayotte, une évaluation des risques pour une cinquantaine de ces substances chimiques parmi les familles suivantes : filtres UV, pesticides, hydrocarbures et métaux. Cette expertise montre que la moitié des substances chimiques évaluées peuvent entrainer des risques pour les récifs coralliens et contribuer à leur dégradation.
« Pour réaliser ce travail, nous nous sommes appuyés sur une étude de l’Office français de la biodiversité et de PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD) qui recense des substances chimiques susceptibles d’avoir des effets toxiques sur les coraux. Nous avons ensuite croisé les seuils de danger applicables aux coraux pour ces substances aux niveaux de concentration observés dans l’environnement. Cela nous a permis d’identifier les substances à risque pour les coraux situés en Guadeloupe, Martinique, à Mayotte et à la Réunion » explique Karen Burga, coordinatrice de ces travaux.
Le nombre de substances potentiellement toxiques pour les coraux est très probablement sous-estimé. En effet, au regard du manque de données disponibles, les travaux n’ont pu être réalisés que sur un nombre limité de substances parmi toutes celles potentiellement présentes dans les récifs coralliens.
Réduire les rejets des substances chimiques dans le milieu marin
L’Agence recommande de créer ou de renforcer la surveillance et le suivi des substances chimiques ayant un impact sur les récifs coralliens. Compte tenu des différentes aires de répartition des coraux, elle préconise d’intégrer cette surveillance aux conventions de protection du milieu marin applicables aux zones marines concernées (convention de Carthagène, etc.).
« Au fur à mesure qu’on avançait dans la récupération des données d’exposition, nous avons constaté des différences marquantes sur le niveau d’informations disponibles pour chaque territoire ultra-marin étudié (à savoir tous les territoires d’Outre-mer excepté la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon). La plupart des informations provenaient des systèmes de surveillance générés par la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau. Or, ces systèmes de surveillance n’existent pas pour certains territoires comme Wallis et Futuna ou encore Saint-Barthélemy, ce qui empêche aujourd’hui de réaliser l’évaluation des risques des substances incriminées » précise Karen Burga.
Par ailleurs, pour préserver au mieux les coraux déjà menacés par les effets du dérèglement climatique, l’Anses appelle à limiter les rejets de substances dangereuses à la source par des mesures de gestion : application de restrictions d’utilisation ou d’interdiction de mise sur le marché de produits chimiques dans le cadre des réglementations telles que REACH.
Enfin, elle recommande d’améliorer l’implantation et le fonctionnement des réseaux d’assainissement des eaux usées.
Crèmes solaires : des allégations qui doivent être justifiées
Pour la famille des filtres UV, l’expertise a notamment identifié trois substances comme toxiques pour les coraux : l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. Un certain nombre de produits solaires apposent des mentions ou des pictogrammes mettant en avant leur respect du milieu marin. Ces marquages doivent être soutenus par des études menées sous la responsabilité des fabricants qui les vendent. La présence d’une des substances mentionnées ci-dessus semble incompatible avec la possibilité de bénéficier de telles allégations.
Un live LinkedIn pour échanger sur ce sujet
Pendant une heure, nos scientifiques Aurélie Mathieu-Huart & Karen Burga, PhD ont répondu en direct aux questions des internautes sur le sujet "Substances chimiques et coraux : que dit la science ?".
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