Les nouvelles mesures européennes en faveur de la lutte contre l’antibiorésistance
La lutte contre l’antibiorésistance est un objectif phare du règlement européen sur les médicaments vétérinaires n°2019/6. L’utilisation d’antimicrobiens pour les animaux est désormais plus encadrée et le risque d’émergence de phénomènes d’antibiorésistance est inclus dans la balance bénéfice-risque des médicaments. À l’occasion de la publication par la Commission européenne de la liste des substances antimicrobiennes réservées à l’être humain, nous vous proposons une synthèse des changements apportés par ce nouveau règlement, concernant les antimicrobiens.
Une prescription des antimicrobiens désormais obligatoire
Les médicaments vétérinaires contenant des antimicrobiens sont désormais soumis à prescription vétérinaire obligatoire. L’ordonnance doit préciser les mises en garde et conseils appropriés pour le bon usage de ces médicaments. Cette prescription a une durée de validité très limitée, la délivrance des médicaments vétérinaires devant intervenir dans les 5 jours suivant l’émission de l’ordonnance.
La prophylaxie et la métaphylaxie autorisées seulement dans les cas exceptionnels
La prophylaxie, soit le recours aux antimicrobiens de façon préventive, ne peut intervenir que dans des cas exceptionnels. L’administration du médicament ne doit concerner qu’un seul animal ou un groupe restreint d’animaux lorsque le risque d’infection est très élevé et que les conséquences ont toutes les chances d’être graves. L’utilisation pour compenser de mauvaises conditions d’hygiène, des mauvaises conditions d’élevage, un manque de soin ou une mauvaise gestion de l’exploitation et l’utilisation chez les animaux pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement sont interdites.
De même, le recours à des médicaments vétérinaires antimicrobiens à des fins métaphylactiques (traitement de l’ensemble d’un groupe d’animaux lorsque certains sont malades) n’est possible que si le risque de propagation d’une infection ou d’une maladie infectieuse dans le groupe d’animaux est élevé et qu’aucune autre solution appropriée n’est disponible.
Des antimicrobiens réservés à la médecine humaine
Afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens, certaines molécules sont réservées au traitement d’infections chez l’homme. Les critères pour la désignation de ces antimicrobiens sont définis dans le règlement délégué (UE) 2021/1760. Sur cette base, la Commission européenne a adopté une liste des antimicrobiens ou groupes d’antimicrobiens réservés au traitement chez l’homme le 19 juillet 2022, dans le règlement d’exécution (UE) 2022/1255.
L’inscription d’un antimicrobien ou d’une famille d’antimicrobiens sur cette liste a pour conséquence :
- L’interdiction de délivrer des autorisations de mise sur le marché en médecine vétérinaire pour tous les médicaments contenant ces substances,
- Le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires qui contiendraient ces substances antibiotiques à la date d’entrée en application du règlement n°2019/6, le 28 janvier 2022,
- L’interdiction totale de leur utilisation chez l’animal, quelles que soient les circonstances, y compris dans le cadre de la cascade thérapeutique en l’absence de médicaments autorisés,
- L’interdiction d’importer en Europe des animaux producteurs d’aliments ayant reçu des antimicrobiens inscrits dans cette liste ou les produits d’origine animale.
Le règlement (UE) n°2019/6 prévoit également l’établissement d’une liste d'antimicrobiens dont l’usage est interdit ou restreint dans le cadre de l’utilisation hors AMM. Le Comité pour les produits médicaux vétérinaires de l’Agence européenne du médicament vétérinaire (EMA/CVMP) a été mandaté par la Commission pour émettre un avis scientifique sur cette liste d’antimicrobiens.
Le risque d’émergence d’antibiorésistance pris en compte pour autoriser les médicaments
Le risque d’émergence de phénomènes d’antibiorésistance est désormais inclus dans la balance bénéfice-risque des médicaments vétérinaires et peut conduire à des refus d’autorisation de mise sur le marché, ainsi qu’à des demandes d’ études post-autorisation pour étudier les phénomènes d’antibiorésistance.
L’ensemble de ces dispositions soutiendra l'objectif de la stratégie de la ferme à la fourchette du « Green Deal de l'UE », visant à réduire de 50 % les ventes globales d'antimicrobiens pour les animaux d'élevage et l'aquaculture dans l’Union européenne d'ici 2030.
Collecte des données de vente et d’usage des antimicrobiens
La collecte de données sur la vente et l’usage des antimicrobiens est organisée par les États membres. Les informations sont centralisées par l’Agence européenne du médicament, qui publiera un rapport annuel. La collecte de données est réalisée par espèce animale et par catégorie de médicaments antimicrobiens. L’initialisation du processus est organisée en 3 phases : à partir de 2023 pour les porcs, volailles et bovins, à partir de 2026 pour toutes les autres espèces productrices d’aliments, à partir de 2029 pour les animaux de compagnie.
Le règlement délégué (UE) 2021/578 de la Commission du 29 janvier 2021 fixe les catégories de médicaments antimicrobiens qui font l’objet d’une collecte des données de vente et des données d’usage, les dispositions relatives à l’assurance qualité à mettre en œuvre dans les États membres ainsi que les méthodes de collecte des données d’utilisation et de transfert.