Etude des liens entre des cancers pédiatriques et résidence à proximité de vignes
Afin de documenter les potentielles associations entre l’augmentation du risque de cancers chez les enfants riverains des zones agricoles avec des expositions aux produits phytopharmaceutiques, l’Anses a financé l’étude épidémiologique GEOCAP-Agri, dont les résultats sont publiés aujourd’hui dans la revue Environmental Health Perspectives. Pour poursuivre l’étude des liens éventuels avec l’emploi de produits spécifiques, elle finance une autre étude : GEOCAP-Pest. L’Agence appelle également à constituer des banques de données sur les traitements appliqués par les agriculteurs années après années.
L’étude scientifique GEOCAP-Agri qui vient d’être publiée dans la revue Environmental Health Perspectives, visait à examiner les liens potentiels entre les cancers pédiatriques et la surface des vignes à proximité du domicile des enfants. Elle a été menée par le laboratoire de recherche CRESS (Inserm/Université Paris Cité), en collaboration avec Santé publique France, sur l’ensemble du territoire de France métropolitaine.
L’Anses a financé l’étude dans le cadre de son dispositif de phytopharmacovigilance, dont l’objectif est de surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques sur la santé et l’environnement. Cette étude s’inscrit dans le contexte de suspicion de cancers pédiatriques en lien avec l’exposition aux produits phytopharmaceutiques dans la région de Nouvelle-Aquitaine et fait suite à une demande de l’association Alerte des Médecins sur Les Pesticides (AMLP).
Des études spécifiques pour combler le manque de données
Chaque année, la phytopharmacovigilance mobilise un budget d’environ 1,4 million d’euros pour financer des études spécifiques et générer des connaissances, par exemple quand une suspicion est soulevée. Il s’agit d’études menées en conditions réelles d’utilisation des produits phytopharmaceutiques : études épidémiologiques, études d’imprégnation des populations, mesures dans les milieux, enquêtes de pratiques.
Analyse de l’incidence de certains cancers pédiatriques selon la présence d’activités viticoles dans l’environnement des habitations
Pour GEOCAP-Agri, les chercheurs de l’Inserm se sont basés sur les données du Registre national des cancers de l'enfant (RNCE) sur la période 2006-2013. Ils ont calculé la surface de cultures viticoles et les distances à la parcelle viticole la plus proche du domicile des enfants de moins de 15 ans atteints de leucémie en France métropolitaine et comparé ce résultat avec les mêmes données (surface viticole, distance) pour des enfants non malades du même âge.
Les résultats de l’étude ne mettent pas en évidence de tendance de regroupements de cas de cancers en France métropolitaine. Ils montrent aussi que la présence de vignes à moins de 1 km de l’adresse de résidence n'était pas plus fréquente chez les enfants atteints de leucémie que chez les cas témoins non malades.
Par ailleurs, l’analyse statistique réalisée par les chercheurs montre une augmentation modérée du risque de leucémie lymphoblastique avec l'augmentation de la densité de vignes dans un rayon de 1 km autour de l'adresse de la résidence. L’augmentation de risque est en moyenne de 5 à 10 % pour une augmentation de 10 % de la surface en vignes.
Pour des questions de temporalité et de disponibilité des données, car les utilisations de produits phytopharmaceutiques concernées remontent à plus de 10 ans, il n’est pas possible de recouper ce résultat statistique avec des usages de produits ou des expositions des enfants.
Aller plus loin dans les connaissances des risques pour les riverains
Dans le cadre de l’étude, des cartographies ont permis d'identifier et de quantifier les surfaces de parcelles viticoles au voisinage des domiciles. Une étude à venir, dénommée GEOCAP-Pest, va rapprocher ces données avec les substances phytopharmaceutiques utilisées sur chaque type de cultures, pour les principaux types de cancers de l’enfant. Lancée fin 2023 par l’Inserm, GEOCAP-Pest a pour vocation de vérifier les éventuelles corrélations entre les risques de cancer chez les enfants et leur exposition aux produits employés pour les activités agricoles voisines de leur domicile, et d'identifier des groupes de produits, des familles chimiques voire des substances actives responsables d'une augmentation de risque.
Pour connaître les effets du recours aux produits phytopharmaceutiques sur la santé des riverains et mettre en place des mesures de gestion, il est nécessaire d’estimer les expositions des personnes vivant près de cultures traitées. C’est un des objectifs de l’étude PestiRiv menée par l’Anses et Santé publique France.
Alimenter les études par des données de terrain sur les usages des produits
Au-delà des connaissances apportées par GEOCAP-Agri, le protocole de l’étude met en lumière des difficultés pour identifier les causes des effets indésirables imputables aux produits phytopharmaceutiques. L’une des raisons que l’Anses identifie est l’absence de banque de données sur les usages des produits phytopharmaceutiques, par parcelle, culture et année. Ceci limite la capacité à caractériser les expositions des riverains aux produits et donc à identifier, dès que nécessaire, des leviers d’action. La réglementation française en vigueur prévoit que les données d’usage des produits soient enregistrées et conservées chez les utilisateurs agricoles mais dans un temps limité. Aussi, l’Anses considère qu’il serait utile pour tous, y compris pour les utilisateurs de ces produits, de constituer des banques de données numérisées afin de pouvoir les mobiliser pour de futures études, notamment pour des analyses de signalements.