Polluants émergents dans l'eau potable : le point sur les principaux résultats de la dernière campagne nationale
Le laboratoire d’hydrologie de l’Anses mène régulièrement des campagnes pour mesurer, dans l’eau destinée à la consommation humaine, la présence de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers. Les données de la dernière campagne sont publiées aujourd’hui. Aperçu des principaux résultats, dont l’analyse de plus de 150 pesticides et métabolites de pesticides, ainsi que d’une cinquantaine de résidus d’explosifs.
Élargir le spectre des composés surveillés dans les eaux destinées à la consommation humaine
Les campagnes nationales d’occurrence des composés émergents sont menées environ tous les trois ans par le laboratoire d’hydrologie de l’Anses à Nancy. Leur but : améliorer la connaissance des contaminations des ressources en eaux et des eaux traitées pour la production d’eau du robinet (EDCH). Ces connaissances peuvent être utiles aux personnes responsables de la production et de la distribution d’eau pour construire leur programme de surveillance de la qualité des eaux et aux Agences régionales de santé, pour compléter leurs programmes de contrôle sanitaire. Ces données peuvent aussi être exploitées pour évaluer les expositions de la population associées à la consommation d’eau du robinet.
Pour la campagne initiée en 2019 en concertation avec les ARS et la Direction générale de la santé (DGS), trois classes de polluants ont été sélectionnées :
- 157 pesticides et métabolites de pesticides,
- 54 résidus d’explosifs,
- un solvant : le 1,4-dioxane.
La campagne a permis de collecter plus de 136 000 résultats. Les prélèvements d’eaux brutes et traitées ont été réalisés sur tout le territoire français, y compris dans les territoires d’outre-mer. L’objectif était d’analyser des points de captage d’eau représentant environ 20 % de l’eau distribuée.
Un métabolite de pesticide très fréquemment retrouvé : le chlorothalonil R471811
Les prélèvements ont notamment concerné 157 pesticides et métabolites de pesticides, c’est-à-dire des composants issus de la dégradation des produits phytopharmaceutiques. 89 d’entre eux ont été détectés au moins une fois dans les eaux brutes et 77 fois dans les eaux traitées.
Parmi les 7 composés « émergents » ayant conduit à des dépassements de la limite de qualité de 0,1 µg/litre, un cas en particulier se dégage : le métabolite du chlorothalonil R471811. Il a retenu l’attention des scientifiques sur deux points particuliers. D’une part, c’est le métabolite de pesticide le plus fréquemment retrouvé, dans plus d’un prélèvement sur deux. D’autre part, il conduit à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois.
Considéré par précaution comme métabolite pertinent en 2021, par manque de données à l’issue d’un travail d’expertise de l’Anses, la limite de qualité de 0,1 µg/litre lui est applicable.
Ce métabolite avait été inclus dans cette campagne suite à la publication en 2019 de données suisses indiquant qu’il était très fréquemment retrouvé dans les eaux de consommation en Suisse. Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020. Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus.
Un autre métabolite du chlorothalonil a été retrouvé avec une concentration supérieure à la limite de qualité de 0,1 µg/litre dans environ 3 % des échantillons.
Les autres substances investiguées
Autre métabolite de pesticide, évalué comme non pertinent par l’Agence en 2022, le métolachlore ESA est également quantifié dans plus de la moitié des échantillons, moins de 2% d’entre eux dépassant la valeur de gestion de 0,9 µg/litre définie pour les métabolites non pertinents.
La campagne d’occurrence a également recherché les résidus d’explosifs et de 1,4-dioxane, une substance utilisée comme solvant. Des résidus d’explosifs ont été retrouvés dans moins de 10 % des échantillons d’eaux traitées, principalement issus de sites d’armement datant de la première guerre mondiale ou à proximité d’activités industrielles d’armement. Il s’agit notamment de métabolites de TNT et de substances utilisées plus récemment. Le 1,4-dioxane a lui été quantifié dans 8 % des échantillons.
Des données indispensables pour améliorer la qualité des eaux
Transmis aux ARS et à la Direction générale de la santé, les résultats de cette campagne d’occurrence constituent des repères scientifiques fiables pour leur permettre de compléter la liste de molécules à surveiller dans le cadre des contrôles sanitaires réguliers des eaux. Les autorités pourront également définir de mesures de gestion appropriées vis-à-vis des composés dépassant la limite de qualité.
Qu’est-ce qu’un métabolite pertinent ?
Selon la directive européenne 2020/2184, « un métabolite de pesticide est jugé pertinent pour les EDCH s’il y a lieu de considérer qu’il possède des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance mère en ce qui concerne son activité cible pesticide ou qu’il fait peser (par lui-même ou par ses produits de transformation) un risque sanitaire pour les consommateurs ».
L’Anses a proposé en janvier 2019 une méthode pour identifier, parmi les métabolites de pesticides, ceux jugés pertinents et devant faire l’objet d’une attention prioritaire au regard des enjeux sanitaires pour les consommateurs.
Par précaution, en application de cette méthode, l’Anses classe un métabolite comme pertinent dans l’eau du robinet dans deux cas de figure :
- quand cette pertinence peut être établie au regard des connaissances scientifiques disponibles
- quand des données scientifiques essentielles manquent au regard des critères retenus par l'Anses
En savoir plus sur les métabolites de pesticides dans l’eau