Prosulfocarbe : le point sur les travaux de l’Anses
Le prosulfocarbe est l’une des substances actives herbicides les plus vendues en France. L’Anses est attentive depuis plusieurs années aux difficultés posées par la dérive de pulvérisation des produits à base de prosulfocarbe. Ainsi, l’Agence a examiné les cas de dépôts sur les cultures non visées lors des traitements au prosulfocarbe. Elle a par ailleurs actualisé l’évaluation des produits au regard de l’exposition des riverains. Le point sur les travaux menés par l’Anses depuis 2017.
Une substance très volatile utilisée en grande quantité
Le prosulfocarbe est la deuxième substance active herbicide la plus vendue en France. Les produits à base de prosulfocarbe sont essentiellement utilisés sur les cultures de céréales, de pommes de terre et sur certaines cultures légumières. L’Anses a mené plusieurs actions en lien avec ces produits depuis 2017, pour deux raisons principales :
- Les quantités importantes de prosulfocarbe utilisées en France, du fait des grandes superficies traitées et des doses employées à l’hectare
- La volatilité importante de la substance active, qui favorise sa dispersion dans l’air y compris après l’application.
Au vu de ces constats, l’Anses a fait figurer le prosulfocarbe dans la liste des substances phytopharmaceutiques méritant une attention particulière dans son rapport sur les substances préoccupantes de 2020. D’un point de vue toxicologique, la substance n’est pas classée comme cancérigène, mutagène et reprotoxique. Elle peut cependant provoquer des réactions cutanées pour les personnes exposées.
Plusieurs États européens, dont la France, ont signalé la présence de résidus de prosulfocarbe dans des denrées alimentaires issues de cultures non traitées. Suite à son analyse de phytopharmacovigilance, l’Agence avait renforcé en 2018 les conditions d’application des produits. Elle imposait notamment l’emploi de buses réduisant la dérive de pulvérisation d’au moins 66 %.
La substance active prosulfocarbe est en cours d’évaluation au niveau européen. Son approbation vient d’être prolongée jusqu’au 31 janvier 2027 par la Commission européenne.
Retour sur les analyses des signalements concernant le prosulfocarbe
- Résidus sur des cultures non cibles
En France, l’Anses, dans le cadre de son dispositif de phytopharmacovigilance, a analysé plusieurs signalements concernant la présence indésirable de prosulfocarbe dans des pommes, du cresson et de la roquette, notamment, alors que cet herbicide n’est pas employé sur ces cultures. Suite au durcissement des conditions d’emploi des produits, elle a mis à jour cette analyse avec des données actualisées sur la présence de prosulfocarbe dans les denrées. Elle y constate que la présence indésirable de prosulfocarbe sur des cultures non cibles est toujours observée. Les niveaux de concentration mesurés dans les denrées ne dépassent pas les seuils de risque pour le consommateur. En revanche, en raison de la présence anormale de tels résidus sur des cultures non cibles, certaines productions sont déclassées et ne peuvent plus être commercialisées.
- Pics de concentration dans l'air ambiant
L’Atmo Nouvelle-Aquitaine, partenaire de l’Anses dans le cadre de la phytopharmacovigilance, signalait en 2022 des pics de concentration de prosulfocarbe dans l’air dans la Plaine d’Aunis (17) observés à l’automne 2021. Pour analyser ces mesures, l’Anses s’est appuyée sur une des méthodes déployées pour interpréter les résultats de la campagne nationale exploratoire de mesures de pesticides dans l'air ambiant 2018-2019. Elle a conclu que ces niveaux de concentration dans l’air ambiant ne constituaient pas une alerte sanitaire.
Signalements et phytopharmacovigilance, de quoi s’agit-il ?
Le dispositif de phytopharmacovigilance permet de recueillir des signalements d’effets indésirables liés à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Ces signalements proviennent de déclarations faites par des professionnels, des systèmes de mesures ou encore de travaux de recherche. L’analyse de chaque signalement permet de statuer s’il relève d’une alerte nécessitant la mise en place de mesures de gestion des risques ou s’il nécessite des investigations plus approfondies, notamment via des études spécifiques ou une surveillance renforcée.
Actualisation de l’évaluation des risques pour les riverains
Dans ce contexte, l’Anses a procédé à une nouvelle évaluation des risques pour les riverains en prenant en compte les évolutions méthodologiques les plus récentes relatives à l’exposition lors de l’application des produits. Cette actualisation s’inscrit dans le cadre d’une saisine du ministère de chargé de l’agriculture au sujet du prosulfocarbe.
Pour estimer ces expositions, l’Agence s’est basée sur les méthodes d’estimation de l’exposition réactualisées en 2022 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour renforcer davantage la protection des résidents et des personnes présentes.
Suite à cette évaluation, l’Anses ne peut pas exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements.
En octobre 2023, l’Agence a donc décidé d’imposer de nouvelles conditions d’utilisation des produits à effet immédiat :
- Réduction des doses maximales de prosulfocarbe autorisées à l’hectare, d’au moins 40 %.
- Obligation d’utiliser du matériel agricole d’application des produits (buses) permettant une réduction de 90 % de la dérive de pulvérisation et de respecter une distance de sécurité de 10 mètres avec les zones d’habitation, ou application d’une distance de sécurité de 20 mètres le temps de s’équiper de ces buses plus performantes.
D’ici au 30 juin 2024, les détenteurs d’une autorisation de mise sur le marché de ces produits devront impérativement transmettre des données relatives à l’impact de ces nouvelles conditions d’emploi sur la réduction des expositions des riverains. En cas d’absence de démonstration probante, les autorisations seront retirées sans aucun délai.