Quel est l’effet des variétés rendues tolérantes aux herbicides sur la biodiversité végétale ?
La culture de variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) suscite des inquiétudes pour la biodiversité végétale. Dans une étude menée avec Inrae et les chambres régionales d’agriculture, l’Anses a mesuré l’impact de leur utilisation sur la diversité des plantes dans et autour des parcelles.
Les VRTH sont des variétés de plantes agricoles rendues volontairement tolérantes à des herbicides. Leur utilisation pourrait avoir des conséquences sur la diversité de la flore adventice, c’est-à-dire les plantes sauvages présentes dans les cultures et ciblées par les traitements herbicides, mais aussi sur la flore non-ciblée par ces traitements, présente dans les bordures de champs. Pour mesurer ces effets, des scientifiques du laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses et de l’UMR Agroécologie de l’Inrae ont comparé la diversité des plantes adventices et les pratiques agricoles associées aux cultures de tournesols, ensemencées d’une part avec des VRTH et d’autre part avec des variétés classiques cultivées selon l’agriculture conventionnelle ou biologique. Leur étude est parue dans la revue Weed Research. Ils se sont notamment intéressés aux effets de ces modes de culture sur l’ambroisie, une plante dont la présence pose problème non seulement pour le rendement des cultures mais également pour la santé, car elle provoque des allergies chez l’humain.
L’étude a montré que les cultures avec des VRTH étaient celles où les espèces adventices étaient les moins diversifiées à l’intérieur des parcelles, tandis que les cultures biologiques, avec des variétés classiques, présentaient le plus de diversité.
Que sont les VRTH ?
Les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) sont des variétés de plantes qui ont été sélectionnées pour leur capacité génétique à résister aux herbicides appliqués sur les cultures. Cette résistance peut avoir été acquise naturellement ou par mutagénèse. Dans la culture de tournesols de variété classique, le désherbage chimique contre les adventices de la famille des astéracées, dont l’ambroisie, est rendu compliqué par le fait que le tournesol appartient lui aussi à la famille des astéracées et est donc sensible aux mêmes herbicides. Jusqu’à l’autorisation de certaines VRTH, le désherbage chimique du tournesol reposait exclusivement sur des interventions avant l’émergence de la culture (pré-levée). Depuis 2010, la France autorise l’utilisation de certaines variétés de tournesol rendues tolérantes à deux substances actives herbicides (imazamox et tribénuron-méthyl). En 2017, 27 % des surfaces de tournesol cultivées étaient ensemencées avec des VRTH. Celles-ci permettent l’utilisation de désherbant en post-levée, ce qui devrait conduire à un meilleur contrôle des astéracées sans impact sur la culture.
Cependant, ces substances chimiques étant également utilisées dans les autres cultures, leur utilisation dans les tournesols VRTH augmente les risques d’apparition de résistances chez les adventices, notamment l’ambroisie.
Une utilisation plus fréquente d’herbicides
La différence de diversité des plantes adventices à l’intérieur des champs serait liée non pas directement aux variétés utilisées mais à des pratiques agricoles différentes, comme l’explique Guillaume Fried, chargé de projet au sein de l’unité Entomologie et plantes invasives du laboratoire de la santé des végétaux : « Les agriculteurs cultivant des VRTH font plus de traitements avec des herbicides. Ainsi, ils utilisent en moyenne 1,5 dose pleine de traitement par an, tandis que ceux cultivant des variétés classiques en agriculture conventionnelle en utilisent 1,25. Cette différence peut paraitre faible mais elle suffit pour expliquer la diminution de la biodiversité. » Même si la gestion des adventices est nécessaire pour assurer la production agricole, une perte trop importante de diversité peut être préoccupante: « Les plantes adventices offrent des services bénéfiques, par exemple elles favorisent les auxiliaires de cultures. », souligne le scientifique. Ces auxiliaires de culture sont par exemple des insectes qui vont aider à lutter contre les espèces nuisibles aux cultures.
Le mode de culture n’affecte pas le bord des parcelles
Si les pratiques agricoles influent sur la biodiversité végétale dans les champs même, cela semble être moins le cas en bordure de parcelle. La diversité des plantes y est en effet déterminée par d’autres facteurs, comme le sol, le climat ou le paysage. Par exemple, la présence de haies ou de prairies à proximité va favoriser la diversité des plantes dans les bordures de champs. « Toutefois il faudrait refaire l’étude dans cinq ou dix ans, pour voir s’il n’y a pas d’effet cumulatif lié à la culture de VRTH qui n’aurait pas encore été détecté. », nuance Guillaume Fried. Le scientifique a en effet conduit une précédente étude sur 500 parcelles dans toute la France qui avait montré un effet négatif des herbicides jusque dans les bordures de champs.
L’importance des mesures préventives contre l’ambroisie
Les scientifiques ont également relevé qu’il y avait autant voire plus d’ambroisie dans les cultures de VRTH que dans celles conventionnelles. « Nous avons mené l’étude dans trois départements, l’Isère, où l’ambroisie est fréquente, le Cher, où sa présence est moyenne et la Côte d’or, où il y a peu d’ambroisie. Nos relevés n’ont pas noté une efficacité flagrante des VRTH dans la lutte contre l’ambroisie, l’abondance de celle-ci dépendait plus de la zone géographique ou de la fréquence de retour du tournesol dans la rotation des cultures que du type de variété employé. » Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les agriculteurs cultivant des variétés classiques en agriculture conventionnelle ou biologique diversifient plus leurs rotations : ils ne cultivent généralement pas la même espèce d’une rotation à l’autre, alors que ceux avec des VRTH ont tendance à cultiver surtout du tournesol, une plante favorable à l’installation d’ambroisie.