Antibiotiques

Résistance aux antibiotiques chez les animaux : quelles sont les principales conclusions pour 2020 ?

Le 18 novembre 2021 a lieu la journée européenne d’information sur l’antibiorésistance. À cette occasion, l’Anses publie le bilan de plusieurs suivis qu’elle mène pour prévenir l’émergence et la diffusion de bactéries résistantes aux antibiotiques chez les animaux d’élevage et domestiques en France. Point sur les principaux résultats avec Jean-Yves Madec, directeur scientifique sur l’antibiorésistance et responsable du Résapath (Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales), Gérard Moulin, directeur adjoint de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et Agnès Perrin-Guyomard, responsable adjointe du Laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne.

Qu’est-ce que l’antibiorésistance ? 

Jean-Yves Madec : L’antibiorésistance est la capacité des bactéries à résister aux antibiotiques. Elle est la conséquence de l’usage excessif des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire. Ces bactéries résistantes peuvent se transmettre de l’animal vers l’Homme ou inversement. Elles peuvent remettre en question l’efficacité de certains antibiotiques et entraîner des difficultés pour soigner certaines infections.

L’Anses coordonne plusieurs systèmes de suivi liés à l’antibiorésistance, quelles sont leurs spécificités ?

Gérard Moulin : Le suivi des ventes de médicaments vétérinaires couvre 100% des médicaments antibiotiques vétérinaires autorisés en France. Il permet de suivre l’évolution des pratiques en matière d’usage des antibiotiques chez les différentes espèces animales. 

Jean-Yves Madec : Le réseau Résapath suit les tendances d’évolution de l’antibiorésistance chez les animaux malades, chez toutes les espèces d’animaux domestiques, y compris de compagnie. Nous espérons qu’il préfigurera un réseau européen, EARS-Vet, qui fournirait ces données de manière harmonisée pour tous les pays européens.

Agnès Perrin-Guyomard : La surveillance pilotée par le laboratoire national de référence pour la résistance antimicrobienne est basée sur un système harmonisé et standardisé au niveau européen. Son objectif est de mesurer et de suivre l’antibiorésistance chez les animaux d’élevage sains producteurs d’aliments et leurs viandes. C’est une surveillance active, réalisée sur un échantillonnage représentatif des filières de production suivies.

Quels sont les principaux résultats pour 2020 ? 

Gérard Moulin : L’exposition globale des animaux aux antibiotiques a légèrement diminué par rapport à 2019, ce qui est dans la continuité de la tendance observée depuis le début du suivi. L’exposition à la colistine, un antibiotique utilisé fréquemment en médecine vétérinaire et réservé aux cas sévères en médecine humaine a diminué de 66% par rapport au niveau de référence de 2014-2015 pour les filières bovine, porcine et avicole. L’objectif de réduction de moitié qui avait été fixé par le plan Ecoantibio 2 est donc atteint.

Consulter le rapport sur le Suivi des ventes de médicaments (PDF) vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2020.

Jean-Yves Madec : Les tendances de l’évolution de l’antibiorésistance restent favorables, avec une diminution ou une stabilité de la résistance à la plupart des antibiotiques, notamment ceux d’importance critique pour l’Homme (céphalosporines et fluoroquinolones), pour lesquels la conservation de leur efficacité est essentielle en médecine humaine. Néanmoins, nous avons relevé un point de vigilance chez les chiens, les chats et les chevaux, avec une tendance inverse depuis deux ans vis-à-vis de certains antibiotiques.  

> Consulter le rapport du Résapath 2020 (PDF) 2020

Agnès Perrin-Guyomard : Globalement, les tendances vont également vers une réduction de la résistance. Les salmonelles conservent leur sensibilité aux antibiotiques d’importance critique pour la santé humaine. De même, la sensibilité des campylobacters aux macrolides, qui sont des antibiotiques de premier choix dans le traitement des campylobactérioses chez l’Homme, est conservée. La proportion de souches E. coli (qui est une espèce indicatrice de la diffusion de l’antibiorésistance) sensibles à tous les antibiotiques testés est en augmentation dans toutes les populations animales surveillées, à l’exception du porc. Enfin, la prévalence des E. coli résistantes aux céphalosporines est en diminution constante dans toutes les situations et les espèces animales surveillées. 

Consulter le rapport sur la Surveillance de l’antibiorésistance (PDF) des bactéries zoonotiques et commensales isolées chez les animaux producteurs d’aliments et leurs denrées. Bilan 2014-2020.

Quelles sont les recommandations pour préserver la baisse de l’antibiorésistance chez les animaux et éviter qu’elle ne se diffuse à l’Homme ? 

Jean-Yves Madec : Il faut réserver l’usage des antibiotiques aux situations qui le nécessitent, en suivant les recommandations par espèce animale et les obligations réglementaires. La limitation du recours aux antibiotiques passe également par des mesures de prévention, empêchant la transmission des bactéries et assurant la bonne santé des animaux comme la vaccination, l’hygiène, la qualité de l’eau et des aliments etc. Éviter la transmission de bactéries résistantes aux antibiotiques de l’animal à l’Homme peut passer par des gestes très simples, comme se laver les mains après avoir touché un animal.