Interview d'Émilie Gay, directrice scientifique de l’axe Épidémiologie et surveillance
On explore les pics de maladies inhabituels, tout ce qui sort de l’ordinaire.
L’épidémiologie et la surveillance tiennent une place importante dans les activités de l’Anses. Qu’est-ce que c’est ?
L’épidémiologie peut se définir comme l’étude des facteurs de santé des populations, c’est-à-dire les maladies et ce qui les favorise. La surveillance permet quant à elle de suivre ces facteurs de santé en continu. L’axe scientifique transversal que je dirige vient servir les activités d’expertise de l’Agence, par exemple sur les implications de la réutilisation des eaux usées ou sur la transmission de la tuberculose entre bovins et blaireaux, et surtout les activités de ses laboratoires. Notre premier objectif ici est d’apporter un appui aux politiques publiques : il s’agit de détecter et quantifier pour agir. On explore les augmentations ou diminutions des problèmes de santé, les pics inhabituels, tout ce qui sort de l’ordinaire. Ces disciplines requièrent des développements méthodologiques spécifiques.
Quelle est la place de l’Anses dans ces domaines ?
L’Anses est fortement impliquée et occupe une place de premier plan aux niveaux national, européen et international. Elle exerce des activités de surveillance au titre des très nombreux mandats de référence qu’elle détient, en santé animale, végétale, en sécurité sanitaire des aliments et en sécurité de l’environnement. A chaque fois, elle intervient comme laboratoire national de référence auprès de l’Etat, des laboratoires agréés et de dispositifs de surveillance. Elle leur apporte un appui scientifique et technique nécessaire à la collecte, au traitement, à l'accessibilité, à la transmission et à la diffusion des données d'épidémiosurveillance. L’Agence est en interaction étroite avec de nombreux partenaires. Elle contribue à une centaine de réseaux de surveillance nationaux et en pilote cinq, dont le Resapath dédié à l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales ou encore le réseau Salmonella. Elle co-pilote les trois plateformes nationales d’épidémiosurveillance en santé animale, santé végétale, surveillance de la chaîne alimentaire. Elle participe enfin à la surveillance européenne.
Quels sont les enjeux liés à l’épidémiologie et la surveillance ?
J’en citerais trois. Tout d’abord, améliorer la surveillance. Cela implique d’avoir les bons outils de détection et d’alerte. Nous avons aussi à cœur de contribuer à une démarche plus intégrative « One Health » et de se doter des indicateurs pour l’évaluer. Les développements méthodologiques en matière de surveillance sont nombreux, en particulier sur les stratégies d’échantillonnage et les analyses qui en découlent et sur la surveillance syndromique. Un deuxième enjeu est de mieux cerner les facteurs de risque sanitaires à des échelles allant de l’animal à l’écosystème. Pour cela, nous nous intéressons à l’étude des impacts des systèmes de production majoritaires et alternatifs sur la santé et le bien-être des animaux ou encore aux interactions avec la faune sauvage. Enfin, le troisième enjeu concerne la maîtrise de la diffusion des maladies et des dangers sanitaires. Les prévoir et mesurer l’impact des mesures de gestion est ici majeur. Concernant la vaccination par exemple, que se passe-t-il si je vaccine les animaux ? Si je les isole ? Les modèles statistiques et mathématiques viennent appuyer la décision, notamment pour définir les actions permettant de stopper ou réduire la transmission. Des données de séquençage génétique peuvent être utilisées, par exemple pour la grippe aviaire, ce qui nous permet d’aller plus loin dans les investigations. Plus globalement, en épidémiologie comme en surveillance, il est important de s’emparer des innovations méthodologiques et technologiques comme l’intelligence artificielle et les outils de gestion des données massives.
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